...car je vous regarde avec amour !

En toute franchise, ma compagne, ma douce, ma belle, ma tendre, ma princesse, éprouve un zeste d’antipathie pour vous qui me sollicitez. Quand je reviens d’un reportage, le dos usé et les cartes mémoires remplies de photos, dans notre nid d’amour au coeur de Poitiers, elle les regarde, me complimente et dit :  

– Ça m’énerve, je suis trop jalouse !

Elle est jalouse, ma douce, ma belle, ma tendre, ma princesse. Jalouse de vous. Comme je l’ai déjà écrit ici, je vous regarde avec amour et ça, ça l’agace et même, oui, disons-le, ça la gonfle méchamment.

Tout le temps que je passe avec vous, toute l’énergie que je mets à votre service, tout ce que je vous consacre : l’achat de matériel photographique toujours plus performant et onéreux, la formation continue, les jours, les soirs, les nuits, les weekends à travailler sur vos photos, sans oublier les cervicales, les lombaires et le stress de vous décevoir qu’elle s’échine à éponger lorsque ça fait trois jours que je vous ai envoyé l’accès à votre galerie et que vous ne répondez plus, tel l’amour d’un soir qui s’éclipse au matin, laissant l’autre étourdi emmêlé dans les draps et sa solitude.

Elle est là, ma douce, ma belle, ma tendre, ma princesse, avec sa petite cuillère, pour son photographe d’amour en plein doute tandis que vous partagez mes photos en vous exclamant :

– T’as vu mes photos de mariage ? Elles sont belles, hein ?!… 

…vous m’avez déjà oublié. Après tout, c’est mon travail de disparaître… snif… Merci d’être là ma chérie.

Smack !

Oui. Je l’aime cette femme, qui prend sur ses épaules le bout de désespoir qui me traverse violemment, à l’apogée des jours gris, quand vous n’êtes plus là.

Elle vous voue aux gémonies aussi parfois, quand vous dites, comme une sentence :

– Ouah ! c’est cher !

Elle se met alors à serrer les poings, les dents avant de lâcher des salves de choses qu’il vaut mieux oublier très vite. Oui, excusez-la, elle a le sang chaud, ma douce, un petit côté moutarde au piment, parfois. Ça fait tout son charme même si je la préfère en vanille-fraise, ce qu’elle est la plupart du temps.

Smack !!

Mais elle n’est pas rancunière et quand vous écrivez :

– Malheureusement, vous n’êtes pas dans notre budget…

Elle en a les larmes aux yeux. Ressentir votre déception froisse son petit coeur gonflé d’empathie.

Parfois, lorsque ma profession de photographe indépendant ne génère plus en elle de sentiments contradictoires, elle me dit des choses magnifiques. L’autre soir, c’était ceci :

– Tu es comme un iceberg… ce que tu montres est inversement proportionnel à ce que tu caches. Tant qu’on ne t’a pas rencontré on te prend pour un simple glaçon qui flotte avec des milliers d’autres glaçons. Mais te rencontrer ne suffit pas, il faut aussi sentir toute l’énergie qui te porte dans tes moindres mouvements. C’est peut-être pour ça que tu attires souvent des gens particuliers, de toutes catégories sociales, dont le point commun est d’être capables de faire la différence entre un simple glaçon et un iceberg.

Classe, non ?

Smack !!!

Non sérieusement, elle est jalouse la pauvresse. Elle est jalouse aussi parce que je suis photographe de mariage et que nous ne sommes pas mariés. Non. Nous ne sommes toujours pas mariés car elle recherche un photographe comme moi. Si je vous jure ! Elle dit que j’ai tout, que je suis sympa, ouvert, créatif, honnête, consciencieux, 100% investi, discret, doté d’une jolie repartie et par-dessus tout, péniblement perfectionniste (j’aime l’amour impartial xD).

– Merci ma chérie mais les autres photographes sont bons et travaillent comme des acharnés, aussi…
– Tais toi.
– Ok

Smack !!!!

Voilà. Ma compagne vous jalouse car je vous aime aussi mais, à plusieurs reprises, j’ai vu dans son regard, quand elle tombe sur une très jolie image de vous émus, cette petite étincelle qui prouve qu’elle vous aime aussi au fond, finalement.

C’est aussi ça, la force d’une photo : faire fondre les murs qui nous séparent les uns des autres.